SNAM (Société Nouvelle d’Affinage des Métaux), filiale française du groupe industriel belge Floridienne, est un des Leaders européens de la collecte et du recyclage de piles et batteries. Son président, Éric Nottez explique les raisons de ce succès et revient sur le lancement du tout nouveau projet « Phénix » – consistant à fabriquer des batteries neuves industrielles à partir de matériaux recyclés.
Quelles sont les quantités traitées par SNAM actuellement sur le territoire français ? Pouvez-vous rappeler en quoi consiste votre partenariat avec l’éco-organisme Screlec-Batribox ?
Nous collectons l’équivalent de 7 000 tonnes annuellement. Nous sommes en progression car nous avons traité 5 000 tonnes en 2016 et 6 000 en 2017 sur l’ensemble des chimies.
Pourquoi travailler avec Screlec-Batribox ? Tout simplement parce que c’est un éco-organisme avec qui nous pouvons enfin envisager un partenariat à long terme. Être respectueux de l’environnement et de la santé, ça se traduit par un effort d’investissement. Or, nous ne trouvions pas cette vision dans la tradition française des éco-organismes jusqu’à présent. Nous coopérons avec Screlec -Batribox dans l’optique de nous inscrire dans la durée avec une véritable volonté de dynamisme et d’innovation. Concrètement, cela veut dire être capable de traiter et améliorer les procédés de recyclage des chimies de batteries.
Pour ce faire, l’objectif est de s’entraider dans les 2 sens. En tant que leader dans les piles nous nous associons aux projets de Screlec-Batribox pour faire en sorte de faire progresser le volume de batteries collectées. Nous avons développé des activités de collecte dans le centre de la France où nous sommes très présents et où les collecteurs de piles et batteries usagées font parfois défaut. SNAM a testé en 2015 la collecte directement chez les particuliers via un partenariat avec la Poste. Elle continue ce partenariat pour assurer la collecte auprès des bureaux de Poste. Enfin, nous cherchons à mutualiser les transports dans un souci d’économie du carbone pour faire baisser l’ardoise « logistique » et les émissions de CO2. Ces actions participent plus largement à ce que je considère l’équilibre de cet écosystème.
SNAM est également leader dans le recyclage de la technologie Nickel-Cadmium. Comment expliquez-vous ce leadership ? Quelles sont les spécificités de la technologie NiCd tant dans ses usages que dans son recyclage ?
Les raisons sont d’abord historiques : SNAM a été créée en 1977 et – en dehors du plomb – c’était la première à se lancer dans le recyclage des batteries. A l’époque (depuis 1960) il s’agissait principalement de traiter des batteries au cadmium.
Il y a également des raisons stratégiques : En tant qu’industriel, si la loi dit on recycle avec telle technologie existante, on la met en œuvre tout simplement. Et il s’avère que nous le faisons bien. Nous pouvons revendiquer que 99.99 % du cadmium est utilisé. Et le cadmium que nous faisons ressortir est d’une très haute pureté. Or plusieurs marchés sont très demandeurs de ce niveau de pureté : les hautes technologies dans le spatial, la défense ou l’aéronautique par exemple car le cadmium protège les surfaces de la corrosion et favorise le contact électrique utilisé pour l’électronique. Il en est de même pour les panneaux photovoltaïques : le cadmium est un très bon catalyseur de réaction dans le photovoltaïque à condition d’être de très haute pureté. Une exigence pas évidente à obtenir car son recyclage est complexe – via un procédé en plusieurs étapes- et cher.
Depuis le 1er janvier 2017, la France interdit la mise sur le marché de la plupart des piles et accumulateurs contenant plus de 0,002 % de cadmium en poids par transposition de la directive 2006/66/CE. Quelles actions avez-vous mises en place pour vous adapter à cette nouvelle réglementation ? Comment gérez-vous les flux de cadmium en cours ? Qu’en faites-vous ?
Cette interdiction européenne ne vise que les applications électroportatives comme les perceuses, scies, dévisseuses. Mais ces piles sont autorisées dans tous les autres secteurs (médical, éclairage de sécurité, industriel : les TGV ou encore les derniers airbus sont basés sur des batteries NiCd), donc nous continuons d’avoir des volumes importants.
Par ailleurs, nous avons maintenu notre investissement dans le cadmium car cette technologie est fortement promue en dehors de l’Europe. Ce marché a même augmenté. Ce qui nous a permis de faire croître nos tonnages malgré la baisse du marché européen faisant suite à la transposition de la directive.
C’est également notre politique construite depuis 10 ans et misant sur l’excellence de notre produit qui porte ses fruits : cette haute qualité commence à payer… Même des entreprises en Amérique du Nord préfèrent payer la logistique et nous avoir plutôt que de faire appel à des prestataires nationaux.
Comment progresse votre transition dans le recyclage du Li-ion ? Que pensez-vous de cette filière dans les prochaines années à venir ?
Notre procédé autour du recyclage du Li-on est à ses prémices. Il requiert plusieurs étapes et coûte encore très cher. Mais nous cherchons des solutions pour faire baisser le prix net du recyclage et ainsi éviter d’handicaper cette filière. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls, de plus en plus d’acteurs se penchent par exemple sur des solutions inventives à coût zéro pour promouvoir un bel avenir aux moteurs électriques et hybrides. Ce mouvement n’est pas encore visible car seulement quelques acteurs visionnaires y participent mais il portera ses fruits, j’en suis certain.
En décembre 2017, vous annonciez le lancement d’une nouvelle activité sur les 5 prochaines années – dite « Phénix » – consistant à fabriquer des batteries neuves industrielles à partir de matériaux recyclés. Pouvez-vous nous expliquer le concept de ce projet ? Comment comptez-vous y parvenir ? Quels sont les résultats concrets attendus d’ici 5 ans ?
L’objectif est d’offrir des batteries de stockage – à partir de 80 % d’éléments recyclés – pour optimiser les fluctuations d’électricité. Ces batteries prennent la forme de cubes de 30 kg combinés dans des sortes d’armoires ou containers et le tout géré par un système électronique. Vendues sous forme de « kit » géant, elles pourront notamment prendre place au fond de la cour d’une entreprise ou d’un parking de centre commercial.
Leur avantage par rapport aux batteries en plomb ? Elles sont moins chères – même si elles se destinent à un marché moins demandeur – et 8 fois plus performantes en termes de robustesse et de recyclabilité. Elles répondent à un mouvement plus vaste : celui du stockage en accord avec la transition énergétique car je pense qu’à l’avenir nous aurons tous besoin de stocker de l’énergie. Avec la progression des énergies renouvelables nous aurons en effet de plus en plus de fluctuations dans l’apport de cette énergie qu’il faudra réguler. Il y a déjà une forte demande en Californie et en Allemagne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Powerwall de Tesla (kit de batteries solaires à domicile) s’est vendu comme du petit pain l’année dernière.
Pensez-vous que l’évolution de vos activités contribue aux objectifs climatiques définis lors de la COP 21 ?
Tout notre plan de stratégie s’est établi à la lecture des objectifs du plan de la COP 21 en se demandant quelle forme cela pourrait prendre chez nous.
Une vision d’économie circulaire en devenant notamment plus performant dans le recyclage ? Aujourd’hui notre rendement de recyclage est autour de 85 % alors que la loi requiert 50 %. S’orienter vers la transition énergétique ? Nous sommes en plein dans ce mouvement grâce à notre projet Phénix.
La réduction des gaz à effet de serre ? Toutes nos actions visant à promouvoir la collecte avec Screlec-Batribox vont en ce sens. Et de par notre activité, on contribue à être une alternative au moteur thermique. Ma seule frustration c’est d’entendre encore aujourd’hui dans les médias la critique selon laquelle les batteries ne sont pas réellement recyclables. C’est complètement faux, nous proposons des alternatives qui sont à la hauteur, à mon sens, du Grenelle de l’environnement.
Crédit photo page d’accueil et article : © SNAM